Le département « Dispute Resolution » de Simmons & Simmons est ravi de partager avec vous sa newsletter trimestrielle relative aux actualités phares en lien avec le contentieux.
Chaque trimestre, nos équipes vous proposent un éclairage sur les évolutions récentes et les derniers développements afin de vous offrir une vue d’ensemble du paysage du contentieux en France.
Droit civil et commercial
Le décret n° 2025-660 du 18 juillet 2025 (JO du 19 juill. 2025) consacre une évolution significative de la procédure civile française, applicable à compter du 1er septembre 2025.
Si l’obligation préalable de tentative amiable (conciliation, médiation ou procédure participative) n’est pas étendue, le rôle du juge et la place donnée à l’instruction conventionnelle se trouvent profondément renforcés et l’injonction de rencontrer un médiateur ou conciliateur devient sanctionnable en cas de carence de l’une des parties.
Un rôle accru du juge dans l’orientation vers l’amiable
Le juge civil ou commercial – y compris en référé ou en appel – a désormais la mission de déterminer avec les parties le mode de résolution du litige le plus adapté.
Dans ce cadre, il peut enjoindre les parties à rencontrer un médiateur ou un conciliateur.
Le non-respect de cette injonction, sans motif légitime, pourra être sanctionné par une amende civile pouvant atteindre 10 000 €, applicable indifféremment au demandeur ou au défendeur (nouvel article 1533-3 du Code de procédure civile).
Instruction conventionnelle : un nouveau principe
La réforme érige l’instruction conventionnelle en principe de droit commun (articles 127 et s. du Code de procédure civile). Les parties sont invitées à organiser elles-mêmes l’instruction de l’affaire, assistées de leurs avocats, à travers deux dispositifs :
- instruction conventionnelle simplifiée, conclue entre avocats ;
- procédure participative aux fins de mise en état, conclue directement entre parties assistées de leurs avocats.
À défaut d’accord, l’instruction judiciaire reste possible, mais devient l’exception.
Recodification et harmonisation des MARD
Les dispositions relatives aux modes amiables de résolution des différends (MARD) sont regroupées dans un nouveau Livre V du Code de procédure civile. Parmi les nouveautés :
- confidentialité renforcée des échanges ;
- extension de l’audience de règlement amiable (ARA) ;
- possibilité donnée à l’expert judiciaire de tenter de rapprocher les parties ;
- harmonisation des régimes de la conciliation et de la médiation.
Champ d’application
- instances en cours au 1er septembre 2025 : l’ancien régime d’instruction judiciaire demeure applicable.
- nouvelles instances introduites après cette date : l’instruction conventionnelle devient la règle.
En pratique
Pour les entreprises, la réforme appelle à une vigilance accrue:
- se préparer à la possibilité d’une injonction judiciaire de rencontrer un médiateur ou conciliateur, et anticiper les conséquences d’un refus injustifié ;
- intégrer, en amont des litiges, la stratégie amiable dans la gestion contentieuse;
Rester attentif à la pratique des juridictions, qui tiendront compte de l’attitude procédurale des parties, notamment pour l’allocation des frais irrépétibles (article 700 du Code de procédure civile).
Cette réforme marque une étape supplémentaire dans la politique de l’amiable initiée ces dernières années. Elle confirme l’importance pour les acteurs économiques d’articuler leurs stratégies contentieuses avec une approche proactive des solutions amiables
Compliance & anti-corruption
La rentrée 2025 confirme une intensification des enjeux de conformité pour les entreprises. L’actualité est marquée par la publication du rapport d’activité 2024 de l’Agence française anticorruption (AFA), mais aussi par des initiatives qui appellent une attention particulière de la part des directions juridiques et conformité. Une alerte commune et inédite de l’AFA et de l’Autorité des marchés financiers (AMF) ainsi qu’un projet de guide pratique sur l’évaluation des tiers viennent affiner les attentes des autorités de contrôle et soulignent la nécessité d’une approche toujours plus experte et opérationnelle des dispositifs anticorruption.
Le rapport d’activité de l’AFA : des tendances de fond qui se confirment
Comme chaque été, la publication du rapport annuel de l’Agence française anticorruption (AFA) offre un éclairage précieux sur les tendances et les priorités en matière de contrôle. Le rapport portant sur l’année 2024, publié en début d’été, met en avant les grandes orientations de l'Agence, avec 10 nouveaux contrôles initiaux menés auprès d’acteurs économiques au cours de l'année.
Le chiffre le plus marquant est sans conteste l'explosion du nombre de signalements reçus par l'Agence. En 2024, l'AFA a traité 802 signalements, ce qui représente une hausse de 83 % par rapport à 2023. Cette dynamique confirme le rôle désormais central de l'alerte comme principal vecteur de détection des atteintes à la probité, augmentant de fait le risque de déclenchement d'enquêtes pour les entreprises.
Ces données quantitatives doivent être lues à la lumière des constats qualitatifs de l'AFA, qui continuent de pointer des faiblesses récurrentes dans les dispositifs des entreprises, notamment sur la cartographie des risques et l'évaluation des tiers. Cette situation, combinée à l'actualité des contrôles de l'Agence qui a initié pour 2025 une vague de contrôles sectoriels ciblant prioritairement – mais pas exclusivement – le secteur de la santé, doit inciter les entreprises de tous secteurs à une vigilance continue et à un renforcement constant de leurs programmes de conformité.
Alerte AFA/AMF : un focus sur la corruption privée à intégrer à la cartographie des risques
Pour la première fois, l’AFA et l’AMF ont publié un appel à la vigilance commun, portant sur l’émergence de réseaux criminels cherchant à corrompre des personnes ayant accès à des informations privilégiées pour réaliser des opérations illicites sur les marchés financiers. Cette communication conjointe de deux régulateurs est un signal fort qui doit retenir l’attention.
Elle met en lumière un risque de corruption privée que les entreprises, soumises ou non à la loi Sapin II, se doivent d’avoir identifié. L’expérience des contrôles menés par l’AFA démontre l’exigence de ses équipes sur la qualité de la cartographie des risques, pilier de tout dispositif anticorruption. Elles attendent des scénarios de risques précisément définis, couvrant l’ensemble des processus et activités de l’entreprise. L’alerte AFA/AMF fournit ainsi la matière à un scénario pratique dont la criticité doit être (ré)évaluée.
Toutefois, comme c’est souvent le cas, la portée de ce type d’alerte dépasse son champ d’application apparent. Si elle vise spécifiquement l’information privilégiée au sens du Code monétaire et financier, elle doit inciter toutes les entreprises dont les collaborateurs détiennent des informations sensibles et confidentielles (projets de fusion-acquisition, résultats R&D, stratégies commerciales, etc.) à évaluer le risque que ces informations soient convoitées et fassent l’objet de tentatives de corruption. Il est donc recommandé d’intégrer ce risque, d’identifier les populations exposées et d’adapter les actions de formation. L'analyse de ce type de scénario, à la croisée du droit pénal des affaires et de la réglementation financière, offre d'ailleurs l'opportunité de développer des cas pratiques concrets pour tester la robustesse des dispositifs de prévention et de détection en place.
Évaluation des tiers : vers une clarification attendue des bonnes pratiques
Faisant écho aux constats récurrents de ses rapports sur les lacunes des entreprises en matière d’évaluation des tiers, l’AFA a lancé une consultation publique (jusqu’au 30 septembre 2025) sur un projet de fiches pratiques. Cette démarche vise à fournir des outils opérationnels pour accompagner les entreprises, qu’elles soient ou non soumises à l’article 17 de la loi Sapin II.
Ces futures fiches devraient apporter des clarifications utiles sur la méthodologie à appliquer : recensement, catégorisation, évaluation, remédiation et contrôle. S’il est indéniable que ces fiches constitueront un référentiel de bonnes pratiques sur lequel l’AFA s’appuiera lors de ses contrôles, il convient de rappeler que la loi Sapin II laisse aux entreprises le choix de la méthodologie pour atteindre les objectifs de conformité qu’elle fixe. Ces guides doivent donc être appréhendés comme des outils d’aide et non comme une norme prescriptive exclusive, qui ne sauraient priver les entreprises de leur appréciation quant à l’élaboration d’un programme anticorruption efficient.
Conclusion
En conclusion, l’actualité de cette rentrée invite les entreprises à ne pas relâcher leurs efforts. La pression exercée par l'AFA s’accentue et, plus largement, les attentes des autorités se précisent, que ce soit sur des piliers aussi fondamentaux que la cartographie des risques et l'évaluation des tiers, ou sur l'identification de menaces émergentes. L'adaptation continue du programme de conformité reste la meilleure garantie de sa robustesse et de son efficacité.
RSE
Le 23 juillet 2025, la Cour internationale de Justice (CIJ) a rendu son avis consultatif s’agissant des obligations des États en matière de changement climatique.
L’avis dont il est question trouve son origine dans une requête portée par plusieurs États membres de l’Organisation des Nations Unies (ONU), particulièrement exposés aux changements climatiques. Ces membres de l’ONU ont sollicité de l’Assemblée générale des Nations Unies que la question relative à la responsabilité des États au regard des changements climatiques soit clarifiée.
C’est dans ce contexte que le 29 mars 2023, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté une résolution aux termes de laquelle elle a demandé à la CIJ de se prononcer sur deux questions :
- "Quelles sont, en droit international, les obligations qui incombent aux États en ce qui concerne la protection du système climatique et d’autres composantes de l’environnement contre les émissions anthropiques de gaz à effet de serre pour les États et pour les générations présentes et futures ? "
- "Quelles sont, au regard de ces obligations, les conséquences juridiques pour les États qui, par leurs actions ou omissions, ont causé des dommages significatifs au système climatique et à d’autres composantes de l’environnement ? "
Rappelons que la CIJ est l’organe judiciaire principal de l’ONU et que sa mission consister à régler, conformément au droit international, les différends qui lui soumis.
Par son avis, la CIJ a considéré que les traités internationaux spécifiques relatifs aux changements climatiques imposent aux États parties à ces traités des obligations contraignantes concernant la protection du système climatique et l’environnement. La CIJ a ajouté que le droit international coutumier impose également de telles obligations aux États, qui se doivent d’adopter des mesures " appropriées " afin de lutter contre le changement climatique.
Selon la CIJ, le fait, pour un État, de ne pas respecter ces obligations, est " internationalement illicite " et peut conduire à ce que sa responsabilité soit engagée. L’État qui se rendrait coupable de ce fait internationalement illicite pourrait alors être obligé d’avoir à cesser ses " actions ou omissions illicites " ou bien, dans certaines conditions, d’avoir à octroyer " une réparation intégrale aux États lésés sous forme […] d’indemnisation ".
Plus généralement, la CIJ a souligné que les manquements des États à leurs obligations en matière de changement climatique " peuvent donner lieu à tout l’éventail des conséquences juridiques prévues par le droit de la responsabilité de l’État".
Si l’avis consultatif de la CIJ n’est pas juridiquement contraignant, il revêt néanmoins une importance cruciale puisqu’il clarifie les obligations juridiques existantes des États face à la crise climatique. Il semble même que cet avis soit appelé à devenir la pierre angulaire des contentieux climatiques qui pourraient être initiés dans le futur.
Responsabilité
Le droit de la responsabilité civile repose encore sur des articles du Code civil datant de 1804, tel que l’article 1240 (anciennement 1382). La proposition de loi viserait à codifier des principes jurisprudentiels pour rendre le droit plus lisible et prévisible. Notamment, la distinction claire entre le dommage (atteinte à la personne ou aux biens) et le préjudice (lésion des intérêts patrimoniaux ou extrapatrimoniaux), bien que déjà reconnue par la jurisprudence, serait désormais inscrite dans le Code civil. La réparation des dépenses préventives engagées pour prévenir un dommage ou en limiter les conséquences, à condition qu’elles soient raisonnables, est également prévue par la proposition.
Ces mesures s’inscriraient dans la continuité des travaux parlementaires et universitaires menés depuis plusieurs années, notamment ceux liés à la réforme du droit des contrats en 2016.
L’un des objectifs centraux de la proposition serait de garantir une indemnisation plus équitable et uniforme, notamment pour les dommages corporels. En particulier, l’objectif tiendrait à l’unification des régimes (contractuel et extracontractuel), des évaluations (par l’introduction d’une nomenclature non limitative garantie par la loi) et des barèmes médicaux (indicatif et inspiré des pratiques en matière d’accidents du travail ou d’accidents médicaux).
Ces mesures rappellent l’esprit de la loi Badinter de 1985, qui avait déjà cherché à améliorer la situation des victimes d’accidents de la circulation. La proposition de loi reprend également des outils inspirés de cette loi, comme l’assiette de recours des tiers payeurs alignée, pour garantir une égalité de traitement.
L’innovation majeure tiendrait à la généralisation de l’amende civile, destinée à sanctionner les comportements fautifs ayant un caractère lucratif. Cet aspect s’inscrit dans la continuité l’article 1254 du code civil, entré en vigueur le 3 mai 2025, qui introduisait la sanction des fautes lucratives commises dans un cadre professionnel et ayant causé un dommage collectif.
Aussi, l’auteur d’une faute délibérée, commise pour obtenir un gain ou une économie, pourra être condamné à une amende civile. Le montant serait proportionnel à la gravité de la faute et au profit réalisé, avec des plafonds spécifiques pour les personnes physiques et morales. Cette amende ne serait pas assurable, renforçant ainsi son caractère dissuasif.
Cette disposition, bien qu’initialement controversée, est maintenue dans la proposition de loi pour son rôle dissuasif et son impact sur la prévention des comportements illicites. Elle s’inspire également des débats récents sur les actions de groupe et les sanctions civiles.
La proposition introduit également des obligations pour les victimes, afin de limiter les abus et encourager une gestion responsable des préjudices. Entre autres, serait donc imposée aux victimes une obligation de moyen à limiter l’aggravation de leur préjudice, sous réserve que lesdites mesures ne portent pas atteinte à leur intégrité physique.
Ces dispositions ont pour objectif annoncé d’équilibrer les droits et obligations des parties, tout en garantissant une réparation intégrale et équitable.
La proposition cherche à uniformiser les règles applicables aux différents régimes juridiques (judiciaire, administratif, transactionnel).
Cette harmonisation répondrait à une demande récurrente des praticiens et des victimes, qui dénonçaient les incohérences entre les régimes applicables. Elle viserait également à renforcer la prévisibilité du droit, un objectif central de la réforme.
Cette proposition, portée par Sacha Houlié député du parti centre-gauche Place Publique, devra être placée à l’ordre du jour de l’assemblée. Si placement il y a, elle sera examinée par un rapporteur désigné par la Commission parlementaire pour ensuite, le cas échéant, être lue en séance publique et débattue par l’Assemblée.
Droit des sociétés
L’action sociale ut singuli fait référence à la faculté offerte à chaque associé d’entreprendre, notamment à l’encontre des dirigeants, une action en réparation du préjudice social consécutif à leurs fautes de gestion.
Cette action est souvent présentée comme une action de nature subsidiaire à l’action sociale elle-même. Elle permet en effet de déroger aux principes de représentation en justice de la société, par la voix classique de son dirigeant, afin de pallier l’inertie de ce dernier potentiellement réticent à agir à l’encontre de ses prédécesseurs ou bien lorsque lui-même est visé.
La Cour de cassation, dans son arrêt du 7 mai 2025, met un terme à cette présentation en clarifiant le régime de l’action ut singuli, dont les conditions ne changent pas. Elle rappelle, par l’application combinée des textes du droit des sociétés et du Code de procédure civile, que "les associés sont investis d'un droit propre d'agir en réparation du préjudice subi par la société, lequel n'est pas affecté par l'exercice concomitant de son action par la société ".
Ce faisant, la Cour renforce l’approche selon laquelle la défense de l’intérêt social demeure l’affaire de tous les associés, ce qu’elle a récemment confirmé dans un arrêt du 18 juin 2025 en précisant que la qualité d'associé nécessaire à l'exercice de l'action ut singuli devait s’apprécier lors de la demande introductive d'instance, de sorte que la perte ultérieure de cette qualité est sans incidence sur la poursuite de l'action par celui qui l'a initiée.

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